Écologie et théologie. Premier pointage

Cet article fait partie du dossier thématique Ecologie

Dans ce cycle d’articles, nous avons voulu poser la question du rapport entre écologie, théologie et foi chrétiennes. Que peuvent-elles mutuellement s’apporter, qu’est-ce que leur rencontre peut susciter  comme idées, comme changements ? 

Un engagement pratique au quotidien

Premièrement, la perspective écologique peut amener à la théologie un ancrage dans le réel, une lucidité renouvelée face au monde. En effet, la théologie, en tant que discipline académique, risque toujours de se cantonner au stade de brassage intellectuel vaporeux. Dans la perspective de la foi, le fait de croire, d’avoir confiance en un Dieu nous dépasse et tient tout entre ses mains, comporte toujours le risque de nous rendre passif·ve·s face à un monde en souffrance, soit de nous rendre insensibles sous couvert d’être préoccupé·e·s par des choses plus « spirituelles ».

L’écologie peut donc provoquer un changement de paradigme dans lequel notre action et l’action divine sont tenues dans un rapport dialectique, à savoir que même si l’on confie toute chose à Dieu et que l’on confesse que ce qui est ultime lui incombe, cela ne nous dédouane pas de notre responsabilité d’agir pour les pauvres, les orphelin·e·s, les étranger·ère·s, les malades (en somme: tout être vulnérable) mais au contraire nous y motive radicalement : à vouloir vivre pour elles et eux plutôt qu’à leurs dépens.

Cela nous rappelle en outre cette parole du Christ : « toutes les fois que vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères et sœurs, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25:40), parole qui ancre la vocation chrétienne dans des gestes de chaque jour.

La justice dans la Création

D’autre part, la perspective de la théologie sur le monde peut donner une profondeur particulière à la poursuite de la justice environnementale. Pensons aux trois valeurs pauliniennes essentielles à la vie chrétienne (1 Co 13:13) : la foi, l’espérance et l’amour.

La foi joue ce rôle central de nous ramener à la Source de toute chose, Dieu, qui nous a fait grâce en concluant son alliance avec la Création, dont nous, les êtres humains (Gn 9:9-12). Elle est une confiance en Celui qui a choisi avant nous de nous faire confiance.

L’espérance nous rappelle pour sa part que le dessein de notre vie nous dépasse, et que malgré l’angoisse et le désespoir – légitime – que peut nous provoquer le constat de l’état planétaire, nous sommes habilité·e·s à accomplir des actes qui font sens dans le présent, par lesquelles Dieu renouvelle sa Création. Cette conviction de l’irruption divine dans nos actions quotidiennes a le potentiel de nous soulager de l’ampleur globale du problème : vouloir le bien radicalement chaque jour, c’est se protéger du découragement et du sentiment d’inutilité.

Finalement, c’est l’amour qui nous pousse à l’action, l’amour pour Dieu et pour sa Création, et qui nous somme du même coup de respecter l’alliance qu’il a scellée avec elle, et ainsi de respecter toutes ses créatures. C’est cet amour qui, précisément, nous rend responsables de poursuivre une justice incarnée, d’assumer le ministère de réconciliation auquel nous sommes appelé·e·s particulièrement en tant que chrétien·ne·s, car l’amour est toujours fait d’actions concrètes de justice – jamais seulement de bonnes intentions.

Répondre au mal

En outre, l’écologie nous montre que le monde va mal, et ce à cause de nous. La notion du péché peut ici nous servir de cadre de réflexion, en particulier ce que la théologie de la libération appelle « péché structurel » ou « péché systémique » qui, à la différence du péché individuel, perpétue des agissements qui découle de nos systèmes de société. 

À ce mal, nous pouvons d’une part répondre avec une attitude d’humilité et de prière face à cette terre mutilée, en la contemplant et en prenant pleinement conscience de notre dépendance à cette dernière et ce qu’elle contient. Ensuite, nous pouvons – ou devrais-je dire, devons – participer à sa guérison, non seulement individuellement, mais surtout collectivement, en particulier en tant que Corps du Christ. 

La réflexion quant à ces liens entre écologie et théologie n’est de loin pas épuisée. Elles ont chacune une inimaginable force de déplacement – de soi, de nos visions du monde, de la société –, et ce d’autant plus si elles s’interrogent l’une l’autre à être toujours davantage lucides, incarnées, radicales dans leur poursuite de la justice pour cette planète sur laquelle nous vivons.

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Jodie Sangiorgio

Issue d’une communauté évangélique charismatique, Jodie vient de terminer son Master en théologie à l’Université de Genève. Elle cherche à mettre au cœur de sa théologie et de sa vie l’écologie, le féminisme, et tout ce qui a trait à la justice sociale.

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