Jeter des ponts entre le savoir et le vécu de Dieu

Cet article fait partie du dossier thématique Théologie

Qu’est-ce que la théologie chrétienne ?

Adolescente, bien avant de l’étudier à l’université, j’avais le sentiment que les théologiens étaient des pédants détachés de toute expérience de foi, déterminés à anéantir ce qui avait trait à celle-ci. Ma crainte était typique du milieu confessionnel que je fréquente encore aujourd’hui : mettre en doute l’historicité de certains récits bibliques, par exemple, représentait un danger pour ma vie de foi et pour son contenu. Pourtant, approfondir et remettre mes propres présupposés en question m’a toujours paru absolument essentiel. Ainsi, j’ai fort heureusement vite réalisé que la théologie était non seulement – la grande majorité du temps – autre chose que l’exposition systématique de l’orgueil académique, mais qu’elle était aussi profondément plurielle et variée.

Le contenu de la théologie chrétienne

Pour commencer, on m’a dit que la théologie rassemblait divers discours au sujet de Dieu. C’est d’ailleurs en ce sens que la théologie revendique la qualité de science : elle prétend à une certaine objectivité qui analyse, informe, synthétise ce que l’on a pu affirmer à l’égard de Dieu.

Toutefois, la théologie existe parce que l’on a originellement cru en un Dieu qui parle, qui dit lui-même quelque chose. La théologie est donc également, dans une certaine mesure, la prise en considération de ce qu’a « dit » Dieu. Elle peut en outre être comprise comme un ensemble de disciplines comportant elles-mêmes de multiples méthodes qui tentent de faire sens des paroles de Dieu et des propos à son sujet.

Les trois temps de la théologie chrétienne

C’est pour moi sa dimension temporelle, qui est triple, qui me semble le mieux rendre compte de ce qu’est la théologie. Elle fait de continuels va-et-vient entre ces trois dimensions, toujours en résonance.

Elle est premièrement tributaire du passé, prenant appui sur les textes bibliques, puis leurs différentes traductions et interprétations, et donc sur la tradition qui en découle. On ne peut faire de théologie sans avoir conscience des personnes et des idées qui nous ont précédés. Quand bien même on s’en éloignerait, il nous faut néanmoins humblement saluer le travail accompli avant nous, sans lequel on ne pourrait réellement entamer une réflexion.   

Deuxièmement, la théologie s’ancre à l’évidence dans le présent de la théologienne et du théologien, son contexte, les problématiques, les conceptions et les pratiques de son temps, et interroge toujours aussi ses propres conceptions et pratiques. Nous sommes non seulement héritiers du passé mais  nous nous construisons également en fonction de notre environnement, étant des êtres de relations. La théologie nous habilite ainsi à réfléchir de manière toute particulière à notre rapport à nous-même, aux autres (et cela peut comprendre tout le vivant), et bien sûr au divin, dans une démarche d’humilité et de recherche de davantage de justesse et de justice.  

Dans ce sens, la théologie vise à un avenir dans lequel auront pu s’accroître son actualité et sa pertinence. Elle ne reste pas figée dans l’étude du passé ou l’analyse du présent, mais tend vers quelque chose de toujours meilleur. À mon sens, la théologie revêt par conséquent une dimension profondément éthique : que nous faut-il faire des textes bibliques, de Dieu, de notre foi ? Comment transformer nos conceptions théologiques néfastes, et valoriser celles qui sont fructueuses ? La théologie devrait transmettre des paroles à propos afin de transformer nos existences. 

Théologie et foi

Finalement, dans cette définition que je m’essaie à établir ressort dès lors l’aspect expérientiel et existentiel de la théologie, car je ne peux m’empêcher de penser que ce qu’elle interpelle la distingue des autres sciences. La question de la foi qui me déstabilisait initialement – et qui je crois met plus d’un·e chrétien·e mal à l’aise – se résout ainsi : en tant qu’ensemble de méthodes et de disciplines, on peut pratiquer la théologie et y exceller avec ou sans une démarche de foi, tant que les présupposés qui la soutiennent sont sérieux. La théologie n’est donc évidemment pas nécessairement étrangère à cette démarche de foi, mais elle la critique, prenant du recul par rapport à elle, redéfinit et précise ses questions, met en exergue les doutes qu’elle pensait pouvoir désavouer. 

En outre, malgré les diverses façons de faire de la théologie, force est de constater qu’il existe bien des pédants, et même que le risque de le devenir me guette toujours : car oui, je me surprends parfois à penser que, moi, j’ai réfléchi très profondément, et évidemment plus que les autres, à certains sujets. Je dois me rappeler que tout le monde ne peut ou ne veut pas faire des études, que tous ceux qui font des études ne comprennent pas mieux le sens de la vie, Dieu, la Bible que les autres qui n’ont font pas, et que je peux moi-même rester critique sans être inintelligible. De plus, je sais maintenant de manière encore plus aiguë que plus j’apprends, plus je réalise que je ne sais pas grand chose.

Dans le fond, c’est aucunement l’hégémonie de l’approche académique qui m’intéresse, mais plutôt les liens quasi inexistants à construire entre le savoir universitaire et les différent·e·s croyant·e·s et communautés de foi.

C’est de cela, en plus d’une radicale humilité, que je me sens responsable : jeter des ponts entre le savoir et le vécu de Dieu. 

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Jodie Sangiorgio

Issue d’une communauté évangélique charismatique, Jodie vient de terminer son Master en théologie à l’Université de Genève. Elle cherche à mettre au cœur de sa théologie et de sa vie l’écologie, le féminisme, et tout ce qui a trait à la justice sociale.

La publication a un commentaire

  1. Thévenaz Jean-Pierre

    Le vécu est présenté comme temporel: bon point de départ! Mon vécu de foi, pourtant, est l’interruption du temps passé, du temps présent et d’un futur hors-temps! Le vécu théologique chrétien induit donc un savoir théologique qui coupe et corrige, dépasse et décale nos perceptions naturelles du temps. Et cela ne me paraît pas reflété dans le beau texte proposé. Ai-je mal lu?

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